Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/206

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Il fallait voir comment elle dressait une jeune fille dans l’art de s’emmitoufler, lui enseignant d’abord quelles parties de son visage elle devait découvrir. Elle conseillait à celle que la nature avait favorisée de belles dents, de rire toujours, même en faisant des compliments de condoléance, et elle apprenait à celle qui avait de jolies mains le moyen de les faire voir. Elle disait à la blonde de laisser flotter hors de la mante ou de la toque une boucle ou une apparence de tresse de cheveux. Elle montrait à jouer de la prunelle à celle qui avait de beaux yeux et recommandait à celle qui n’en avait que des petits, de les fermer ou de regarder en haut. Quand il venait chez elle des femmes extrêmement brunes de peau, elle savait si bien les farder qu’en rentrant dans leur maison leur mari ne les reconnaissait plus, tant elles étaient blanches. Mais elle excellait surtout dans la science de rendre aux filles ce qu’elles ont de plus précieux, lorsqu’elles l’avaient perdu et de les faire paraître telles qu’elles devaient être. Dans le seul espace de huit jours que je demeurai chez elle, je lui vis faire tout cela. Enfin, pour achever son portrait, elle enseignait aux femmes à plumer le coq. Elle leur apprenait des proverbes dont elles pussent faire usage et les moyens de se procurer des bijoux, les petites filles gratuitement, les jeunes comme des choses dues, les vieilles par respect ; et comment demander de l’argent, des bagues et d’autres joyaux. Elle citait la Vidana, sa concurrente à Alcala, et la Planosa à Burgos, les deux plus grandes enjôleuses