Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/208

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parce que je ne suis nullement amie de l’argent. Je te proteste même par mes ancêtres défunts (et que Dieu veuille me bénir comme je dis vrai !) que je ne te demanderais pas celui que tu me dois pour ton logement, si je n’en avais besoin pour de petites bougies et des herbes. » Car, sans être apothicaire, elle faisait un commerce de pots, et si on lui graissait les mains, elle se graissait le corps et s’en allait par la même porte que la fumée.

Quand elle eut terminé discours ou sermon, tendant en somme à me réclamer de l’argent mais finissant par où d’autres auraient commencé, je ne fus pas étonné de sa visite. Depuis que j’étais son locataire elle ne m’en avait demandé qu’une fois, un jour où j’avais entendu une accusation de sorcellerie dont elle était venue se disculper. On avait voulu l’arrêter et elle s’était cachée. Elle m’avait expliqué qu’il s’agissait d’une autre femme gratifiée du même surnom : le Guide.

Il n’est pas étonnant qu’avec de pareils guides nous nous égarions tous.

Je lui comptai son argent et dans le temps que je lui donnais, le malheur qui ne cesse de me persécuter et le diable qui ne m’oublie jamais voulurent qu’on vint l’enlever, comme une femme qui vivait dans le concubinage. On savait que son ami était dans la maison, et comme l’on entra dans mon appartement, que l’on me trouva au lit et elle auprès de moi, on se jeta sur nous deux, on me donna cinq ou six secousses violentes et l’on m’arracha hors du lit.