Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/227

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Cependant je commençai à me lasser d’être renvoyé par les tourières et appelé par les religieuses. Je considérai combien me coûtait cher l’enfer que d’autres gagnent si agréablement et par tant de voies différentes. Je me voyais condamné à n’avoir que des désirs, et à aller en enfer seulement par le sens du tact. Si je parlais, j’avais coutume d’approcher si fort ma tête des grilles, pour n’être pas entendu des autres qui y étaient aussi, que j’avais sur mon front pour deux jours l’empreinte des barreaux de fer. Je parlais en outre si bas qu’on ne pouvait m’entendre qu’à la faveur d’un porte-voix. Personne ne me voyait qui ne dit : « Maudit soit l’infâme galantin de nonnes ! » Et d’autres choses encore pires. Tout cela me faisait faire des réflexions et me déterminait presque à laisser là ma religieuse, quoiqu’il dût m’en coûter. Enfin je pris ce parti le jour de la Saint-Jean l’Évangéliste, fête adoptée par une partie de la communauté, parce que j’achevais de connaître ce que sont les nonnes. Qu’on se contente à présent de savoir que toutes les religieuses de Saint Jean Baptiste feignirent des enrouements, de sorte qu’au lieu de chanter la messe, ces Baptistophiles ne donnaient que des sons de gémissement et de douleur. Elles ne se lavèrent point le visage, elles prirent de vieux habits, et leurs dévots, pour discréditer la fête, apportèrent des banquettes à l’église au lieu de chaises. Quand je vis que les unes affectionnées à un saint, et d’autres à un autre, en parlaient indécemment, je tirai adroitement de ma