Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/230

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homme doit fuir, qu’à inspirer l’horreur qu’ils méritent. Je pense néanmoins qu’en en déclarant quelques-unes, et quelques manières de parler des escrocs, les honnêtes gens, qui les ignorent, pourront peut-être en profiter pour se tenir sur leurs gardes et que ceux qui liront ma vie ne seront trompés que par leur faute.

Qu’on ne croie donc pas n’avoir rien à craindre quand on donne les cartes, le filou les changera en mouchant la chandelle. Ne permettez pas non plus de tâter la carte, parce que c’est un moyen de distinguer les figures et les as. Si vous êtes homme à vous fourrer partout, sachez que dans les cuisines et les écuries on pique les as avec une épingle, ou on leur donne un petit coup d’ongle pour les reconnaître. Jouez-vous avec des gens distingués, que ce ne soit pas en vous servant de cartes qui ont été fabriquées à mauvais dessein, c’est-à-dire qui sont si fines qu’elles laissent voir leur valeur au travers. Ne vous fiez pas davantage à des cartes bien blanches, car la moindre marque y est visible. Faites attention, au jeu d’écarté, que celui qui donne les cartes ne fasse pas aux rois des cornes qui seraient autant de tombeaux pour votre argent ; qu’il ne place pas sur le talon les cartes qu’il a écartées de son jeu et qu’il ne vous remette celles-ci ensuite. Veillez à ce que les autres joueurs ne se renseignent pas mutuellement sur leurs propres cartes, soit par des jeux de doigts, soit par les premières lettres des mots qu’ils prononcent. Je ne veux pas en dire davantage ; ceci