Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Aussitôt je courus vite chez ma mère, pour qu’elle me cachât.

Loin de me gronder, elle m’approuva et me dit : « Tu montres bien par là qui tu es ; mais tu aurais bien dû lui demander de qui il tient cela. » Comme j’ai toujours eu de la délicatesse, je ne l’eus pas plus tôt entendu parler ainsi, que je lui répliquai : « Ah ! ma mère, tout ce qui m’a fâché, c’est que quelques-uns de ceux qui étaient présents, m’ont dit que je ne devais pas m’offenser de ces injures ; et je ne leur ai pas demandé si c’est à cause du peu d’âge de celui qui les a vomies contre moi. »

Je la priai ensuite de m’apprendre si j’aurais pu avec raison lui donner le démenti ; et de m’avouer si plusieurs avaient eu part à ma conception, ou si j’étais réellement fils de celui que j’appelais mon père. À cette question, elle sourit, et s’écria : « Peste ! tu en sais déjà tant ! tu ne seras pas un sot, et tu as des grâces quand tu interroges ! » Puis elle ajouta : « Tu as bien fait de lui avoir cassé la tête, parce que toutes vérités ne sont pas bonnes à dire. »

Cette réponse fut pour moi comme un coup de poignard, et je résolus dès lors de quitter dans peu de jours la maison paternelle (ou plutôt maternelle) et d’en emporter tout ce que je pourrais. Telle fut l’impression que cela me fit ; mais je crus devoir encore user de dissimulation.

Mon père alla voir le blessé, le guérit, apaisa l’affaire et me ramena à l’école. Le maître me reçut avec un air courroucé, mais quand il sut le sujet de