Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/71

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de quoi, car je n’en sais rien, et plaise à Dieu que les âmes de mes parents défunts jouissent aussi sûrement du bonheur éternel ! » – « Est-il possible que vous ne vous le rappeliez pas ? Je ne sais comment vous le répéter. La chose est si grave que j’ai peine à m’y résoudre. Vous ne vous ressouvenez pas d’avoir dit aux poulets Pio, Pio ? Eh bien, sachez que c’est le nom de plusieurs papes, vicaires de Dieu et chefs de l’Église. Est-ce là un petit péché ? » Elle resta comme morte, et elle convint de l’avoir dit, en ajoutant toutefois : « Mais que Dieu me punisse, Pablo, si je l’ai fait avec malice. Au reste, je m’en dédis. Imaginez seulement le moyen de m’exempter de m’accuser, car je mourrai, si jamais je me vois dans l’Inquisition. » – « Pourvu que vous juriez sur les saints autels, lui répliquai-je, que vous n’avez nulle mauvaise intention, je pourrai alors, étant rassuré par là, m’exempter de vous accuser. Il faudra cependant que vous me donniez les deux poulets qui ont mangé, quand vous les avez appelés du nom sacré des pontifes, pour que je les porte à un familier, et qu’il les brûle, parce qu’ils sont damnés ; et vous jurerez en outre de ne plus récidiver en aucune manière. » Très satisfaite de cet expédient, elle me dit aussitôt : « Tiens, portes-les sur-le-champ, Pablo ; je ferai demain le serment. » Pour mieux la persuader, je lui dis : « Ce qu’il y a de pis, Cyprienne (car tel était son nom), c’est que je cours risque que le familier me demande si je ne suis pas le pécheur, et qu’il me fasse par provision quelque mauvais parti.