Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/74

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estoc ; je partis en courant, et quand je fus arrivé à la boutique, je criai : « Tue, tue ! » J’allongeai en même temps une estocade par devant le confiseur, qui tomba de peur à la renverse, demandant un confesseur, quoique je ne frappasse qu’une boîte que mon épée enfila, et avec laquelle je me sauvai.

Tous ceux qui m’avaient accompagné furent étonnés de voir le stratagème dont je m’étais servi, et se mouraient de rire d’entendre dire au confiseur qu’on le visitât, qu’il devait être blessé, et que c’était un homme avec qui il avait eu quelques paroles. Cependant, ayant jeté les yeux sur ses boîtes et les voyant dérangées, parce que cela n’avait pu arriver autrement pour celles qui étaient autour de la boîte que j’emportais, il reconnut l’escamotage et commença de faire sur lui tant de signes de croix avec le pouce, que l’on croyait qu’il n’en finirait pas. J’avoue que jamais rien ne m’a si bien réussi ni fait tant de plaisir. Mes camarades disaient que je pouvais soutenir la maison avec ce que je courais, ou volais, car c’est ici la même chose. Comme j’étais jeune, et que je les voyais si fort applaudir à l’esprit et à l’adresse avec lesquels j’exécutais mes espiègleries, je m’encourageais à en faire d’autres. Ainsi chaque jour je revenais ma ceinture garnie de pots de religieuses que je leur demandais pour boire, de sorte que je les engageai par là à ne plus rien prêter sans nantissement.

Une fois je promis à Don Diégo et à tous ses camarades d’ôter les épées à la ronde même. La nuit marquée