Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/77

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Ils parcoururent toutes les cours, visitant les lits. Ils vinrent à la maison, et pour qu’on ne me reconnût pas, je m’étais couché dans mon lit, la tête enveloppée d’un mouchoir, tenant d’une main un cierge, de l’autre un crucifix, et ayant auprès de moi un de mes camarades, habillé en prêtre, qui paraissait m’exhorter à la mort, pendant que les autres récitaient les litanies. Le recteur et la justice arrivèrent et, à la vue de ce spectacle, ils se retirèrent, ne pouvant soupçonner qu’un moribond fût celui qu’ils cherchaient. Ils n’examinèrent rien ; au contraire, le recteur me dit un répons. Il demanda si j’avais déjà perdu l’usage de la parole, et sur ce qu’on lui répondit qu’oui, ils se retirèrent, le recteur jurant au corrégidor de lui remettre le coupable, s’il le découvrait, et le corrégidor de le faire pendre, quand ce serait le fils d’un Grand d’Espagne. Je me levai, et depuis ce temps l’on n’a cessé de célébrer ce tour parmi les étudiants d’Alcala.

Pour n’être pas trop long je ne m’arrêterai point à raconter comment je rendais la place du marché aussi peu sûre qu’une forêt peuplée de voleurs. Il suffit de dire que toute l’année j’entretenais la cheminée de la maison des boîtes de confitures et de fruits que je volais aux fruitières ; car je n’oublierai jamais l’affront que j’essuyai quand j’étais roi des coqs. Il n’y avait pas non plus de maison d’orfèvres et d’autres marchands qui ne me dussent quelque chose. Il faudrait savoir quels revenus j’avais aussi dans les environs sur les jardins fruitiers et potagers,