Page:Quicherat - Petit Traité de versification française, 1882.djvu/47

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Font connaître Alexandre. Et certes son visage
Porte de sa grandeur l’ineffaçable image.

1re Remarque. L’enjambement est permis quand on a soin d’ajouter aux mots rejetés un développement qui complète le vers :

Oui, j’accorde qu’Auguste a droit de conserver
L’empire, où sa vertu l’a fait seule arriver. Corn.
Elle se croit déjà souveraine maîtresse
D’un sceptre partagé, que sa bonté lui laisse. Id.
Qui voit sous ses drapeaux marcher un camp nombreux
De hardis étrangers, d’infidèles Hébreux. Rac.
Enfin je me dérobe à la joie importune
De tant d’amis nouveaux que m’a faits ma fortune…
Il voit plus que jamais ses campagnes couvertes
De Romains que la guerre enrichit de nos pertes. Id.

2me Remarque. Il est encore permis lorsqu’il y a une suspension, réticence ou interruption :

N’y manquez pas du moins ; j’ai quatorze bouteilles
D’un vieux vin… Boucingot n’en a pas de pareilles. Boil.
Est-ce un frère ? est-ce vous dont la témérité
S’imagine ?… — Apaisez ce courroux emporté. Corn.

3me Remarque. L’enjambement n’est pas proscrit d’une manière aussi rigoureuse des genres simples, tels que la comédie, la fable, le conte, l’épître badine, etc.

4me Remarque. On tire quelquefois de l’enjambement d’heureux effets d’harmonie imitative. C’est ce que nous verrons dans un des chapitres suivants.

5me Remarque. Il est souvent admis dans les vers de dix syllabes. Nous reviendrons également sur ce point.

Observation générale. La règle de l’enjambement