Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/17

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tion de l’atavisme paternel. Elle était cependant capitale et, pour le comprendre, il faut détacher curieusement dans les Souvenirs autobiographiques les pages qu’il consacre à la famille Quincey, perdues qu’elles sont dans un fouillis de détails et de digressions, résultat peut-être ces dernières de l’atrophie cérébrale, de l’émiettement des idées causé par le travail lent du poison.

Peu importe, en effet, quelque intérêt qu’y attacha Quincey, qu’il ne fût point le descendant d’émigrés français. Sa gallophobie trouvait son compte à déclarer que les Quincey anglais dataient du conquérant et qu’ils n’étaient pas de souche française mais norvégienne. Le point intéressant était celui-ci. Le père de Thomas, négociant, riche et lettré, était phtisique. Il avait eu huit enfants avant et après la rupture du vaisseau sanguin qui précipita sa fin. Cet accident survenu vers la cinquième année de Thomas Quincey laissa le négociant de Manchester brisé et faible. Vainement il chercha la santé dans de grands voyages vers les climats chauds. Ni Lisbonne ni Madère ne lui furent des séjours prospères et guérisseurs et en 1792 il revint mourir à Greenheys dans l’élégante demeure qu’il s’était fait construire au milieu des jardins des faubourgs suburbains de Manchester.

Les frères et les sœurs de Thomas eurent la part néfaste de cette hérédité morbide. « L’aîné des garçons, rapporte Madame Arvède Barine, était un cerveau fêlé qui cherchait le moyen de marcher au plafond la tête en bas, comme les mouches ». « Si un homme peut tenir cinq minutes, disait-il, qu’est-ce qui l’empêchera de tenir cinq mois ? » Cette idée ingénieuse et quelques autres de même force le firent reléguer au loin. Quand il revenait au logis maternel pour quelque cause fortuite, on l’envoyait aussitôt chez un ministre des