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VII

MON FRÈRE


Le lecteur, qui aura bien voulu me suivre à travers ces souvenirs décousus de ma vie intime et de ses incidents fortuits, aura remarqué que je les ai présentés, sans m’attacher bien exactement à leur ordre de succession. Pour le motif particulier qui m’a dirigé dans leur exposition, il n’était guère important de m’astreindre à leur ordre chronologique, excepté dans le cas où la précision des dates aurait eu une valeur négative pour la vérification des faits. En conséquence j’ai fait des digressions en avant, en arrière, cédant à la première impulsion qui se présentait, cédant parfois même à la suggestion purement verbale qui me frappait. Mais, dans bien des cas, cette négligence de l’ordre chronologique n’est pas seulement permise : elle est même inévitable, car il y a des faits qui, dans leur ensemble, se relient à toute ma vie à des époques si différentes que nul principe chronologique n’eût permis de les mettre à la place qui leur convenait. Il leur a donc fallu franchir, d’un bond en arrière ou en avant, un certain espace, en quelque endroit qu’ils fussent, et il eût été impossible de les représenter du commencement jusqu’à la fin, comme appartenant véritablement à aucune période définie, du moment que j’avais fixé mon choix sur eux. En réalité, de même que chacun doit savoir à l’avance qu’entre