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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

à tout prendre, et en supposant que ces fragments eussent été écrits quand il était sur le point de quitter l’Angleterre, à une date qui ne s’accordait guère avec les circonstances où ils furent trouvés, il n’en reste pas moins certain qu’il était âgé de treize ans lorsqu’il les écrivit. Je me suis souvent livré à des réflexions profondes au sujet de ces mystérieuses compositions. D’après leur nature, on les eût attribuées de préférence à un quiétiste mystique, comme madame Guyon, si l’on pouvait admettre l’union de cette dévotion extatique avec un esprit rebelle, rempli d’avides aspirations mondaines ; c’étaient des apostrophés passionnées à la nature et aux puissances de la nature, et, ce qui semblait plus étrange que tout le reste, c’est que le style y était exempt de toute la boursouflure, de toute l’enflure à laquelle on ne devait pas manquer de s’attendre chez un écrivain si jeune. Elles étaient même volontairement enfantines, d’une allure de conversation naïve des plus touchantes. En réalité au point de vue du ton, et en tenant compte de la différence qui existe entre un poème narratif et un poème lyrique, elles rappelaient jusqu’à un certain point ce poème si beau et si peu connu de Georges Herbert[1] dans lequel il décrit d’une manière symbolique à un ami, sous la forme et une attaque perfide qu’il aurait soupçonnée, les phénomènes religieux qui éloignent du monde une âme. Dans leur ensemble, elles font penser à Lecoti, poème dû à la collaboration de Coleridge et de Wordsworth. La solution la plus

  1. Ce poème était si admiré de M. Coleridge pour la pureté de son anglais, qu’il l’a publié dans sa Biographia litteraria, en s’en servant pour éclaircir quelques-unes de ses vues sur le style.