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VI

LA RÉPUBLIQUE


 
Or c’était dans les jours où la France héroïque
Du bonnet phrygien coiffait la république ;
Quand sous l’arbre de mai qui frissonne à son nom,
Sanglante, elle berçait sur son grossier giron,
Comme une filandière, assise au pied d’un hêtre,
Le berceau vide encor du siècle près de naître.
Des bracelets dorés ne couvraient pas ses bras.
Du nord et du midi cent hordes n’avaient pas
Écrit sur sa bannière, où tout honneur se fane :
" Voici des nations la grande courtisane ;
" Pour qui la veut goûter sa coupe se remplit ;
" Et pour un seul denier on achète son lit. "
Non ! Non ! En ce temps-là ses fils, courbés à terre,
Ne penchaient pas si bas le front dans la poussière,
Ainsi qu’un vil troupeau, dans un plus vil sillon,
Qui n’ose pas mugir quand il sent l’aiguillon :
Le bœuf presse le bœuf, car sous son joug sonore
Du fouet de l’étranger il se souvient encore.
Tant de serfs affranchis, que la corvée au front
Du doigt marquait hier d’un séculaire affront,
N’avaient pas renié la glèbe populaire.
Tant de nobles bourgeois ne faisaient pas, naguère,
Sous le pourpoint de cuir, taillables à mercy,
Les preux, les douze pairs, et les Montmorency.