Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/209

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Un fleuve se tarir, comme une coupe bue.
Quand j’ai cherché ses flots, j’ai trouvé son écueil ;
J’ai vu vers Embabeh d’une armée innombrable
Tout l’orgueil en un jour se tarir dans le sable.
J’ai cherché sa victoire, et j’ai trouvé son deuil.
—Comment faut-il prier vers le soir des batailles ?
—Le soir il faut pleurer ainsi qu’aux funérailles ;
Car les chevaux d’Assur ne mordront plus leur mors ;
Car les lions du Nil ont perdu leur crinière ;
Car le turban de Misr est souillé de poussière.
Femmes, chantez la plainte et l’éloge des morts.




XVI

LA PLAINTE

 
—Nos bouches chanteront, mais nos yeux sous nos voiles
Se rempliront des pleurs qui tombent des étoiles.
Au ciel de l’Orient s’est brisé le croissant.
Dans le champ d’Embabeh que laboure l’orage,
La palme de Mogreb étend son noir ombrage,
Et la fleur du dattier se baigne dans le sang ;
Dans le sang des pachas, des beys et des vayvodes.
Ceintures d’or, poignards aux fourreaux d’émeraudes,
Comme les basilics, venimeux ataghans,
Amulettes d’Alep, béantes coulevrines,
Sabres damasquinés, lances ni javelines,
N’ont défendu Saïd de la lance des francs.