Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/216

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Voici l’heure qui sonne, heure immense, infinie !
Debout donc, ma fortune ; et debout, mon génie !
Ici, dans l’oasis regarde autour de toi
Si quelqu’un n’a pas dit : " C’est toi qui seras roi ! "
Dans l’oasis ? Non pas ! Va. Regarde en toi-même
Si tu n’y verras pas luire ton diadème.
Ah ! Oui, dans ma pensée ainsi qu’en un palais
J’ai couronné mon rêve élevé sous le dais.
J’ai vu là se dresser dans les flots du mirage
Mon fantôme de gloire et son altier naufrage ;
Et cette voix qui gronde en mon cœur et s’éteint,
C’est donc là cette voix qu’ils appellent destin !…
Mais, je le veux encore ; je poursuis ma victoire.
M’y voici ! J’ai gravi la cime de l’histoire.
Où ce chemin va-t-il quand on y met le pied ?
Redescend-on jamais par le même sentier ?
Est-il un seul endroit où le désir s’arrête,
Et dise : " C’est assez ! Je suis là sur le faîte ? "
Et puis, le lendemain, roi, consul, empereur,
Charlemagne ou Cromwell, doge ou lord protecteur,
De quel mot appeler ce géant de conquête
Qui dépasse le monde et les cieux de la tête ?
La servitude a pris tant de noms pour briller !
De quel masque nouveau la pourrais-je habiller ?
Deux mondes sont ici qu’en tout je vois paraître ;
Ou Brutus, ou César, lequel vaut-il mieux être ?
C’est là tout le débat. Brutus, homme de bien ;
César, âme du monde : il en est le lien.