Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/244

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Quand elle a reconnu l’aigle aux ailes d’airain,
Celle qui mit au monde et berça de sa main
Le grand Napoléon pleurant à la mamelle,
A quitté son fuseau. Puis elle a derrière elle
Sur ses deux gonds fermé sa porte de noyer,
Comme fait l’exilé, sans couvrir le foyer.
Dans une brigantine, où la vague se joue,
Elle entre sans rien dire, et s’assied à la proue.
L’ouragan se soulève et l’emporte en ses bras,
Comme sa fille aînée. Au pied noueux des mâts,
Que de flots sur la mer, que d’écueils sur la grève,
Ont passé devant elle, ainsi que dans un rêve !
Plus loin, toujours plus loin ! Elle entre en un palais
Où le grand empereur l’attendait sous un dais.
Ainsi qu’un laboureur qui suit son attelage,
Il comptait ses canons sur leurs chars de carnage ;
Et, comme une faucille au temps de la moisson,
Il couchait son épée au bout de son sillon.
Cent rois découronnés essayaient de sourire ;
Lui seul ne sourit pas dans son immense empire.
—Mon fils Napoléon, est-ce un songe ? Est-ce vous,
Que j’ai vu si petit dormir sur mes genoux,
Qui bâtissiez enfant, tout seul sur le rivage,
Tant de palais de sable à l’heure du naufrage,
Qu’au milieu d’un combat, ainsi qu’un bon dessein,
J’ai senti s’éveiller et bondir dans mon sein ?
Qui donc vous a conduit sous ce toit de lumière ?
Qui vous a fait si grand, vous si petit naguère ?