Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/274

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Veillez-vous, sentinelle ? Au fond de la bruyère
Souvent la nuit trop noire enveloppe un mystère,
Dans le pays où croît le sapin sur les monts,
Où l’Elbe aux longs replis rampe dans les vallons.
Souvent là, dans les bois, le feuillage murmure,
Et le Danube luit comme luit une armure.

Souvent l’ombre gémit sous l’orme d’Austerlitz,
Où les morts, sans linceul, dorment ensevelis.
" Veillez-vous ? -Oui, je veille. Holà ! Qui vive ? -France.
De la tour de Leipsick, quand la nuit fait silence,
Souvent on voit passer, sur d’invisibles monts,
Les nuages d’hiver, comme des escadrons.

Entendez-vous ? -J’entends. -Un cri ? -Non ! C’est un rêve.
—Écoutez-vous ? -J’écoute. -Ah ! C’est le chant d’un glaive.
—Non, ce n’est pas le chant d’un glaive en son fourreau.
Non, non, c’est le vautour qui niche en un tombeau. "

Chœur
Cachons notre colère
Comme un feu de bruyère
Au milieu d’un grand bois.
Parlons à demi-voix.
Si quelqu’un vient et passe,
Sourions sur sa trace.
Au fond de notre cœur,
Cachons notre blessure,
Et notre lourde armure,
Sous les ronces en fleur.