Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/312

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Je te hais dans ton ciel où tout se décolore !
Dans tes nuits sans parfum ! Dans tes jours sans aurore !
Pour effacer la tache écrite sur ton nom,
Épuise, si tu veux, tous les flots sans limon
Qui dorment amollis au souffle du Bosphore,
Tous ceux qui vers Ceylan bercent la tiède aurore ;
Baigne-toi, jour et nuit, dans les mers de l’Atlas.
L’océan tout entier ne te lavera pas.
Ton or luit au soleil, et ta bourse est remplie.
Mais ta pensée est vide, et vide ton génie.
Tu ne sais qu’acheter la honte au plus bas prix
Pour trafiquer plus loin de ton lot de mépris.
Ton masque est : liberté ; ton nom est : esclavage,
Et la foi d’Albion est la foi de Carthage.
Ton empire est immense, et ton rude aviron
Gourmande au loin l’abîme ainsi qu’un éperon.
Mais ton cœur est étroit ; mais ton âme est petite.
Mais ton œil est menteur, mais ta bouche hypocrite ;
Mais dans chaque naufrage, il faut faire ta part,
Comme on la fait au flot ! à l’écueil ! Au hasard !
Fille de l’océan, trop semblable à ton père,
Tes vices sont à lui. Triste, inhospitalière,
Comme lui, tu ne vis que des débris des morts ;
Et quand un grand état vient sombrer sur tes bords,
On sait, on sait comment, debout sur tes rivages,
Tu prélèves ton gain sur le gain des orages…
Et c’est aussi pourquoi, tu chercheras, épars,
À ton tour, une fois, tes petits léopards.