Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/128

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moins que cela, un homme ! Le dénoûment est heureux et mérite qu’on vous en voie épris.



Chœur Des Diables.

Paix donc ! écoutez Belzébuth.



Belzébuth.

Anges, dominations, notables maîtres et docteurs en toutes choses, vous avez entendu le premier acte de notre céleste comédie. Cet acte est faible. La voix manquait à nos chœurs comme aux ombres sous nos lanières : l’océan est resté court, Babylone a trembloté devant vous, Ninive a croulé une heure trop tôt ; qu’y faire ? La faute est au sujet ; la création ennuie. Ni en haut, ni en bas, ni au loin, ni auprès, personne n’en veut plus.

Si notre œuvre est un chaos, l’univers vaut-il mieux ? Chacun arrive et s’en va sans congé.

Vérité, fantaisie, quel est le rêve ? Quelle est la veille ? Sur la route d’Antioche, souvent j’ai cru que les étoiles allaient s’éteindre au firmament, comme la lampe d’un bateleur, faute d’un peu d’huile vers le soir ; et vraiment la terre penchée sur son côté s’en va en boitant à cette heure, comme un homme ivre, par le chemin qui mène jusqu’à mon seuil. Avec elle, va-t’en donc, beau poëme enivré, clopin-clopant, jusqu’où le rien pousse sa borne.

La nature est ma passion, et une nuit d’Orient m’a toujours tenu éveillé autour des troncs des figuiers. Mais à présent, entre nous on peut le dire, cette lumière dardée sur les rivages, l’indigo de la mer, l’ombre noire des montagnes, ces voix qui soupiraient dans les branches des forêts, ces esprits qui gazouillaient dans les sources,