une place n’est vide.
- Non, mes hôtes, retournez chacun
chez vous. Malheur ! Mon vin n’a-t-il pas
murmuré dans ma coupe : c’est le juif errant
qui boit ?
Non, vraiment, je ne veux point de banquets ni
de table remplie. Quand l’outre est vidée,
souvent la joie reste au fond : je veux
monter l’escalier de ma sœur Marthe ;
seulement qu’elle me chante une chanson
en filant sa quenouille ; elle chassera la
voix d’airain qui résonne dans mes oreilles.
Malheur ! Qu’ai-je vu sur l’escalier de ma
porte ? Ce n’est pas mon père Nathan, ce ne
sont pas mes petits frères, ce n’est pas non
plus ma sœur Marthe. C’est un ange de mort
qui me regarde ; ses deux ailes noires
pendent jusqu’à terre ; sa cuirasse et sa
cotte de maille brillent comme une source
de naphte. Dans sa main il tient sa pique ;
il s’appuie debout sur la crinière noire
d’un cheval qui sue le sang.
L’Ange Saint Michel.
Est-ce ton nom qui est écrit sur la porte ?
Ahasvérus.
Efface ce nom qui flamboie. Je m’appelle
Ahasvérus.
Saint Michel.
Où vas-tu ?
Ahasvérus.
Dans ma maison.
Saint Michel.
Ta porte est close ; tu ne la repasseras plus.
Ahasvérus.
Je n’ai pas pris encore mes sandales, ni ma
ceinture, ni mon manteau de voyage.
Saint Michel.