Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/150

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Elie.

Père, que ferions-nous à présent d’une épée tranchante, comme en portent les rois ? Voyez, nos mains sont encore trop petites pour la pouvoir porter.



Nathan.

Les devineresses, dans la nuit du sabbat, vous arrêtent dans les carrefours ; çà, que disent-elles ?



Joel Et élie.

à nous, elles nous donnent des dattes et des palmes bénies ; c’est toujours à notre aîné, Ahasvérus, qu’elles parlent bas.



Nathan.

Ahasvérus ! Oui, lui sera votre maître après moi ; à lui je laisserai mon champ d’orge, mon escabeau de cèdre et ma place à la table ; c’était de lui que les devins voulaient parler.

Encore ce soir, en ouvrant mon livre, j’ai vu son nom écrit en or dans les versets d’Ezéchiel ; les lettres pétillaient comme une flamme de sarment. Oui, les soixante semaines sont passées ; j’ai compté les jours sur mes doigts ; les jours aussi sont passés ; ma barbe a crû jusqu’à terre, mon huile s’est usée dans ma lampe, mes yeux se sont creusés à regarder par la fenêtre, s’il ne venait point de messagers de prince ; et les tours de la ville ont vieilli avec moi, et leurs degrés sont usés, et ils glissent quand on monte. Et le désert s’approche comme un cavalier qui demande les clefs pour entrer ; et le messie n’est pas encore venu, et chaque homme le cherche en regardant son enfant.

Attend-il, pour arriver, que les ronces croissent sur nos têtes, ou que les chiens rongent nos os ?


Non pas ! Non pas ! L’étoile du messie s’est levée ce soir. Voyez-la qui brille comme une flèche peinte que son archer a lancée ; son messager est parti déjà sur un bon cheval