Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/195

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ils ont des bras comme toi, non pas pour étreindre comme toi la bise et les autans, mais pour serrer sur leur sein l’enfant de leurs os.

De toutes ces maisons, choisis celle que tu veux. Monte avec tes souliers ferrés sur le seuil ; et les femmes vont cacher leurs yeux dans la poitrine des hommes, et les petits enfants se glisseront avec horreur entre les jambes de leur père, et crieront : c’est lui, mon père, le juif errant !


Oh ! Si j’étais encore un jeune compagnon de la tribu de Lévi dans la maison de mon père ; si cette ville à créneaux était Jérusalem ; Jérusalem la belle, Jérusalem la parfumée comme la fleur de vigne dans le rocher, je chanterais un chant, à mon retour, à haute voix, pour être entendu du lépreux et du gardeur de chameaux. Et les passants viendraient, et ils me diraient en touchant mes habits : " est-ce toi, Ahasvérus ? Sois béni, bon Ahasvérus ! Que ton voyage a été long ! D’où viens-tu ? Ta mère nous a envoyés pour t’attendre. Voici des figues pour ta faim ; voilà du vin pour ta soif. Ton père, qui t’a cru mort, est assis sur le banc de ta maison, et tes petits frères vont sauter sur leurs nattes quand ils te verront de loin sur le chemin : mon frère, mon frère, que nous avez-vous apporté ? Sont-ce des coquillages qui bourdonnent ? Est-ce une robe de laine bien teinte pour le froid ? Est-ce une pièce d’argent neuve ? Est-ce une ceinture brodée, ou une cassolette luisante du beau bois du Liban ?


Ah ! Dans ma cassolette, il n’y a ni myrrhe, ni encens, ni poudre d’or, ni dattes ; dans ma ceinture, il n’y a ni perles ni broderie, et la robe de laine que j’apporte n’a pas été filée pour la fête. J’ai revu Jérusalem ; mais ce n’est