Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/229

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à deux lames s’est déjà brisée sur mon cimier ; à travers maintes bandières, j’ai chevauché. Je sais comment l’étendard flotte au bout de la hallebarde, comment la corde de l’arc résonne, comment le cavalier désarçonné gémit sous le haubert. Maints javelots empoisonnés ont cherché mon sein en sifflant ; maintes flèches panachées ont crié sur ma tête : çà, que la mieux empennée aille lever la visière de son cheval !



Mob.

Terrible moment ! Mes dents claquent ; que va-t-il arriver ?



Ahasvérus.

Mains contre mains, dents contre dents, le combat piétinait, écumait, haletait ; en avant, en arrière, en amont, en aval, au loin, auprès, la hache d’armes écorçait l’arbre des batailles.

L’aigle, qui passait, fermait sa jaune paupière, pour ne pas voir de si près la rosée si empourprée.



Mob.

Vous me faites frémir pour vous.



Ahasvérus.

Moi ! Partout un cavalier me suivait et parait les coups. Depuis l’aube du jour, dans la mêlée, il était mon frère d’armes : mille traits me cherchaient, et pas un ne m’atteignait.



Mob.

Le brave compagnon ! La terre en prenne soin ! Quelles armoiries avait-il ?



Ahasvérus.

Sur son écu, il portait une tête de mort ; son cheval pâle ne hennissait ni jour ni nuit ; jamais il ne délaçait son heaume ; jamais son bras le soir, n’était las.