Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de parler. Tout m’ennuie, tout me gêne ; j’ai fini trop tôt ce que je voulais dire.


Ah ! Que le cœur me pèse ! Je ne sais comment faire pour écrire ce soir ma tâche. Mon encre n’est pas d’or, elle est faite de larmes. Ma plume n’est point d’un oiseau du ciel ; elle est arrachée de l’aile de mes rêves. Mon livre n’est pas de parchemin ; il est fait de mon âme, oui, de mon âme et de mon désespoir.

Ah ! Que le cœur me serre ! Ah ! Que le cœur me saigne ! Je ne sais plus rien que ce mot ; et il en faut, pour achever mon livre, plus de mille. Puisque mon sein est tout sanglant, que ne suis-je le bouvreuil ? Soir et matin, en gémissant, dans le jardin, je redirais toujours le même mot sur une branche de groseillier.

Puisque ma voix sanglote, que ne suis-je le ruisseau ? Sans avancer, sans reculer, en serpentant, je baignerais toute ma vie le seuil où ma pensée, trop mal guérie, veut demeurer nuit et jour assise.