Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/377

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doit redire, j’avais rempli tes forêts et tes rivages des voix de mes cataractes, pour que tu apprisses de bonne heure à retentir dans la voix de tes cités, à gronder dans tes foules de peuples, aussi haut qu’elles avec leurs ondes. J’avais bâti pierre à pierre le sommet de tes Cordillères, pour que tu visses jusqu’où devaient monter ton orgueil et tes tours. Mais, quand mes peuples travaillaient depuis plus de mille ans, toi, nonchalante, sur ton coude, en jouant avec tes coquillages, tu n’avais pas encore tourné la tête vers ce monde géant qui t’envoyait tant de soupirs.

Maintenant qu’il se repose, élève autour de moi ton génie aussi haut que les Andes.

Donne-moi, pour les effeuiller dans mes doigts, plus de noms en un jour qu’un palmier n’a de fleurs au printemps. Déroule à mon oreille le poëme de tes années mieux qu’une liane des forêts ne court d’un tronc à l’autre tronc, et d’une rive à l’autre rive. Comme le cotonnier tisse son coton sur sa branche, désormais, tisse pour moi l’avenir chaque jour. Si tu me fais une bannière, je veux qu’elle soit brodée mieux que la ceinture de tes rivages ; si tu me fais une église, je veux que, sous ses voûtes, les arceaux soient plus touffus que ne le sont mes forêts vierges, et que les piliers s’y épanouissent au sommet, mieux qu’un aloès sur sa tige ; je veux que l’orgue y ait plus de tuyaux que n’ont de voix dans la journée le balancement des dattiers, le sifflement des herbes des pampas, la sonnette du serpent, le mugissement du buffle, la mâchoire du caïman, et l’océan qui te fouettait de ses verges sans t’éveiller.

îles De La Mer Pacifique.



Et nous, que vous avez menées si loin, au bout de l’univers, pour en fermer la chaîne à votre cou, nous avons appris à polir nos fleurs de diamant. Nous vous