Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nuages ?


Seront-ce pas des âmes dans des villes d’ivoire et qui vivront cent ans des larmes d’une rose ?



Le Père éternel.

Je vous l’ai dit déjà ; avant de créer seulement une étoile de plus, je veux vous expliquer et vous faire connaître le mystère du monde d’où vous sortez. Vous y avez passé sans savoir ce qu’il est. Les uns l’ont vu en terre-sainte, les autres en Brabant, les uns dix ans, les autres cent ; mais pas un de vous tous n’a tenu dans sa main ce fruit tombé de mon rameau pour y chercher le ver rongeur ; pas un n’a soulevé le sceau des mers et des villes ruinées et des tombeaux des peuples que j’entassais toujours pour cacher mes trésors ; pas un ne s’est baissé pour voir verdoyer, dans l’abîme, le germe de mes moissons nouvelles, sous le nuage de la terre.



Saint Hubert.

Seigneur, longtemps j’ai voyagé dans l’Europe et l’Afrique ; j’ai vu des orangers plus hauts que de grands chênes, autour des monastères, des flots plus bleus que la tunique de votre fils unique, sur le chemin de Jéricho, des paillettes et des sables d’argent, aux arbres du désert, la gomme et l’encens de noël, et dans des roses de Joppé, des larmes de cristal. Serait-il bien possible, mon divin créateur, que sous ces bois de myrtes, sous ces rivières et ruisseaux transparents, sous ces rochers et murs écroulés, vous eussiez mis encore des merveilles et des trésors magiques qu’aucun homme n’a vus ni touchés de ses doigts ?



Le Père éternel.

C’est une longue histoire qui m’oppresse moi-même.

Mes séraphins vont célébrer devant vous ce terrible mystère ; tous y auront leur place ; chaque temps, chaque siècle que je secouai, l’un après l’autre, des plis de mon