Page:Réflexions sur la révolution de France.pdf/178

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le spectacle atroce du 6 octobre 1789, ou d’avoir donné trop de carrière aux réflexions qui me sont venues à l’esprit à l’occasion de la plus importante de toutes les révolutions, de celle que l’on peut dater de ce jour : je veux dire une révolution dans les sentimens de l’âme, dans les moeurs et dans les opinions morales. Dans l’état où sont maintenant les choses, où tout ce qui est respectable est détruit, et où l’on essaye de détruire parmi nous tout principe de respect, on a presque besoin d’apologie pour donner un éloge aux sentimens ordinaires de l’humanité.

Pourquoi suis-je affecté si différemment que ne l’est le révérend docteur Price et ceux de son troupeau laïque à qui il plaît d’adopter les sentimens de son discours ? par cette raison toute simple ; parce qu’il est naturel que je le sois ; parce qu’il est dans notre nature d’éprouver une mélancolie profonde, au spectacle de l’instabilité du bonheur et de l’incertitude effrayante, de la grandeur humaine ; parce que, dans ces émotions naturelles, nous recevons de grandes leçons ; parce, que dans des événemens comme ceux-là, nos passions instruisent notre raison ; parce que, lorsque les rois sont ainsi précipités du haut de leur trône par le directeur suprême de ce grand drame, et qu’on les expose ainsi à devenir l’objet des insultes de la populace et de la pitié des bons, ces désastres font au moral la même impression que les miracles au physique. Ces alarmes, nous conduisent à réfléchir ; nos esprits, comme on l’a observé depuis long-temps, sont purifiés par la terreur et par la pitié ; notre faible et imprévoyant orgueil