Page:Réflexions sur la révolution de France.pdf/347

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main pendant une longue succession de générations. Cette succession elle-même devrait être admise à prendre quelque part dans les conseils auxquels elle a un intérêt si profond. Si la justice l’exige ainsi, l’ouvrage, par lui-même, a besoin d’un plus grand nombre d’esprits que le cours d’un siècle n’en peut produire. C’est d’après cette manière de voir, que les meilleurs législateurs ont souvent approuvé, dans les gouvernemens, l’établissement de quelque principe législatif sûr, solide et régulateur ; un pouvoir semblable à celui que quelques philosophes ont appelé une nature créatrice ; et, qu’après en avoir fixé le principe, ils l’ont ensuite abandonné à l’effet de sa propre opération.

Agir de cette manière, c’est-à-dire avec un principe dominant et avec une énergie productrice, c’est selon moi la preuve d’une profonde sagesse. Ce que vos politiques regardent comme la marque d’un génie hardi et entreprenant, n’est que la preuve d’un manque déplorable d’habileté. Leur violente précipitation d’une part, et de l’autre leur aversion pour la marche de la nature, sont cause qu’ils sont aveuglément livrés à tous les faiseurs de projets, aux aventuriers, à tous les alchimistes et à tous les empiriques. Ils désespèrent de tirer aucun parti de rien de ce qui est commun : la diète n’entre pas dans leur système de médecine. Le pire de cela, c’est que leur défaut de confiance dans les méthodes régulières pour guérir les maladies communes, vient, non pas seulement d’un défaut d’intelligence, mais, j’en ai bien peur, de quelque malignité dans leurs dispositions. On dirait que