Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

près d’eux l’humble mendiante qui s’était glissée en cette cohue et dont la main frôlait la manche de mon vêtement ! Cependant, à ce geste, se produisait un étrange prodige, car comme si ce geste eut été doué d’un pouvoir magique, à son signe, la foule qui nous entourait se dissipait en une fumée d’ombres brillantes et vaines. Cavaliers aux hauts turbans, chevaux aux riches harnais, Princes lointains, Pachas et Vizirs, fils de toutes les races venues du désert, de la montagne, de la plaine et du bord des mers, marchands aux mains crochues et aux regards avides, en un instant toute cette fantasmagorie avait disparu et il ne restait plus devant moi que des galeries vides qui se croisaient à un carrefour, où, dans une vasque de faïence, coulait l’eau limpide d’une fontaine auprès de laquelle la mendiante était assise, et comme elle s’y lavait le visage, ce visage prenait peu à peu une merveilleuse beauté, en même temps que les haillons qui la couvraient se changeaient en une merveilleuse robe d’un sombre azur étoilé comme une nuit d’Orient et qu’une voix me disait : « Tu ne m’as donc pas reconnue ! Je suis la Sultane Sheherazade, la sultane des Mille et un Contes qui va parfois, par le monde, mendier la vérité que j’enveloppe, pour la consolation des hommes,