Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/209

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croupis sur leurs talons psalmodient, en se balançant, des versets du Coran, d’autres sont prosternés le front sur la dalle et semblent ne rien voir ni ne rien entendre. Des mendiants vous abordent la main tendue. Autour de la vasque d’une fontaine, des femmes sont assemblées. Le long d’un mur, à revêtement de marbre, s’adosse une file de croyants, le chapelet aux doigts et les yeux vagues. Il règne en ce lieu vénéré une sorte de sainte oisiveté. On nous regarde aller et venir sans malveillance et sans curiosité, mais cette mosquée de Damas n’a pas la beauté de celles de Constantinople et de Brousse. C’est une espèce d’immense salle des Pas-Perdus où chacun cherche sa voie vers Dieu. En face de la Grande Mosquée se dresse le Minaret de Jésus et non loin de là se trouve le Turbé de Saladin. Pour y parvenir, on traverse un petit jardin solitaire. Dans un étroit bassin un rosier mire ses roses qui se défleurissent dans l’air. Le tombeau du Sultan n’a rien de remarquable. La couronne qu’y déposa Guillaume II, lors de son voyage à Damas, y étale ses palmes et ses rubans aux couleurs de l’empire d’Allemagne. Les initiales du Kaiser germanique s’y inscrivent en caractères orgueilleux.