Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/245

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les planches du pont, lorsque l’ancre remonte du fond et que ses chaînes grondent dans les écubiers, lorsque le frémissement de l’hélice fait vibrer l’armature du bateau, lorsque la proue fend la vague. Fallait-il donc que je revinsse auprès de toi pour susciter le vieux désir qui dort dans ton cœur ? N’est-ce pas lui qui t’a mené dans cette ville maritime, n’est-ce pas lui qui t’a conduit dans ce jardin d’où l’on voit la mer ?

J’ai écouté le Magicien. À l’heure où sonne la cloche du départ et où gémit la sirène, je suis monté à bord du bateau qui, chaque soir, quitte le quai où il est amarré pour accomplir en douze heures la traversée de Barcelone à Palma de Mallorca, capitale de la plus grande des îles Baléares. La nuit était belle et la mer mouvante d’une houle légère. Je respirais avec délices l’air salin et j’obéissais de tout mon corps au rythme du roulis. Je me penchais sur la lisse pour suivre des yeux la ligne d’écume du sillage. Cette nuit en mer ramenait ma pensée aux nuits marines de jadis. Je croyais me retrouver sur le pont du Velleda ou du Nirvana. Le passé se reliait au présent à travers les lieux et les années. Merci, ô Magicien, de m’avoir une fois encore, avec ta clé d’or, ouvert la porte mystérieuse que je croyais fermée à jamais.