Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/28

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musculeux et des Hercules engaînés soutiennent des balcons ventrus. Elles vous diraient encore, ces pages de mon carnet, la forêt enchantée que domine la haute solitude de la Sainte-Baume. On y monte par des sentiers secrets jusqu’à la grotte de pénitence où pleura Marie-Magdeleine en écoutant tomber du rocher les gouttes d’eau qui étaient comme l’humide écho de ses larmes. Elles vous diraient aussi, ces pages, la farouche désolation des Baux. Là, la montagne est elle-même une ruine qu’une autre ruine couronne et qu’ont abandonnée les hommes en y laissant des squelettes de maisons et le spectre décharné d’une humble église où des ombres semblent prier pour une ville morte, mais ce ne sont ni les spectacles de la solitude, ni les aspects de la mort que je veux évoquer ici. En les rencontrant sur ma route incertaine de voyageur, j’en éprouvais un plus grand désir de vie, un élan plus fort vers le but vivant qui m’attirait. Tant de silence me donnait une soif ardente de bruit. Je souhaitais d’entendre la rumeur humaine, de voir des pas se croiser, des mains s’agiter. Ah ! que des voix s’interpellassent, que des gestes se fissent signe ! Qu’un flot déferlât sur une plage ou battît un quai, qu’un horizon mouvant remplît mes yeux de sa lumière ! Tel était le vœu de mon attente.