Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/35

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Dans les ruelles en pente qui montent du Vieux Port vers l’église des Accoules, les ruisseaux dévalent au milieu entre les pavés. Les réverbères éclairent mal l’ombre suspecte. Les filles aux hautes coiffures lustrées, que mord de ses longues dents le peigne d’écaille, écartent, d’un geste d’appel, le rideau d’andrinople qui voile leur réduit. La lampe brûle au chevet du lit bas. Des rires gras, des cris. Un ivrogne titube. Un matelot se rajuste en sifflotant. Il fait chaud, d’une odeur de chair, de bas parfums, d’alcool à bon marché. Bousculade, rixe… Le ruisseau coule au milieu de la rue sur les pavés. Rentrons.

Dans le Vieux Port étaient amarrés deux beaux yachts. Élégants, sveltes, ils s’allongeaient tout blancs en leur finesse aiguisée, vernis et cuivres luisants, dans l’attente des départs pour les rivages lumineux. Instruments dociles du plaisir marin, ils étaient là, immobiles dans un repos comme frémissant. Puis l’un d’eux a quitté le quai. Lentement, fièrement, il a traversé le Vieux Port. J’ai entendu le chant de sa sirène et il a disparu vers la haute mer. Je l’ai suivi d’un long regard de désir.