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l’abbaye d’évolayne

et là d’insignifiants objets. Elle avait revêtu un grand peignoir blanc, largement échancré et tantôt, frileusement, enroulait une écharpe de laine autour de son cou, tantôt la rejetait. Tourmentée par la soif, elle but un peu de la tisane que Michel avait fait préparer pour elle. Le breuvage, trop sucré, l’écœura ; une nausée violente la tint un moment sur son lit. Peu après, ses cheveux s’étant dérangés, elle s’approcha de son armoire à glace pour refaire sa coiffure. Son visage lui apparut d’une façon indistincte. Avec sa manche, elle essuya plusieurs fois le miroir limpide, puis pressa de ses doigts ses paupières et parut étonnée de ne point les trouver humides :

— Je pourrais pleurer cependant, constata-t-elle, oui, je devrais pleurer d’avoir trouvé ici-bas si peu d’amour.

En même temps, elle comprit ce qui troublait sa vue et comme Michel se tenait auprès d’elle, suivant avec angoisse les premiers symptômes de l’intoxication, elle l’interrogea sans le regarder, sur un ton d’insouciance désespérée :

— Eh bien ! docteur, qu’en dites-vous ? Vais-je beaucoup souffrir ? En aurai-je bientôt fini avec ce monde ?

Il posa les deux mains sur ses épaules, afin qu’elle eût le sentiment d’une présence rassurante.

— Il ne faut pas parler ainsi, chérie, ni vous effrayer en rien. Mes confrères seront là bientôt et nous vous sauverons, j’en ai la certitude.

— Ah ! dit-elle les dents serrées, peu importe, je ne désire pas vivre.

Il implora, penché sur elle :

— Même pour moi, Adé ?