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Tel est Pompeo Neroli, et il le faut prendre comme il est. Sans doute, il venait aujourd’hui chez moi pour chercher de l’ouvrage, et, quand Marcellin m’annonça qu’il désirait me parler, je tournai machinalement les yeux vers le rayon des livres brochés pour y chercher ceux que je pourrais bien lui confier. Pompeo Neroli a ses privilèges et j’ai un faible pour mon Siennois !

Je me trompais. Neroli ne venait pas solliciter une commande. Du reste, il n’était pas en costume de travail et il était vêtu avec plus de soin qu’à l’ordinaire. Décidément, depuis un peu plus d’un an que Neroli a quitté Sienne, il s’est parisianisé. Il ne garde plus guère d’italien que ses beaux yeux noirs et caressants dans une figure intelligente et contractée. Sans la cravate cocasse et multicolore qui serre le col de sa chemise et qui me rappelle celles que l’on peut admirer aux devantures milanaises, florentines ou vénitiennes, Neroli n’aurait presque plus rien de transalpin. Car Pompeo Neroli parle fort bien le français. On dirait qu’il l’a appris en quelque sorte par contagion, et que le contenu des livres qu’il relie s’est communiqué à sa cervelle. Les mots français s’y sont logés comme des abeilles dans une ruche.

Aussi fut-ce en excellents termes que Neroli, une fois introduit par Marcellin dans ma bibliothèque, m’exposa le but de sa visite. Neroli prenait prétexte de la fin de l’année pour venir m’exprimer sa reconnaissance et m’adresser ses vœux et ses remerciements. Grâce aux clients que je lui avais procurés,