Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/153

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Jérôme, que, de cette liberté, mon amie Madeleine use et même abuse. Comment vais-je vous dire cela, et n’allez-vous pas me trouver bien indiscrète ! Cependant, il me semble l’être moins que je ne risque de vous le paraître. Madeleine s’explique sur ce sujet avec un manque si gentil de retenue et d’hypocrisie, avec une franchise et un cynisme si naïfs que ce n’est vraiment pas un secret que je trahis ! Madeleine trompe éperdument son mari et elle l’a trompé presque au lendemain de son mariage, mais sachez aussi qu’elle le trompe sans méchanceté, sans remords, sans préméditation, sans malice, sans aucune des intentions qu’y mettent d’ordinaire la plupart des femmes. Elle y apporte un naturel parfait et elle parle de ces choses avec une simplicité désarmante. Aussi les promptes confidences qu’elle m’a faites m’ont vite mise au courant de la façon dont Madeleine entend l’existence conjugale. Du reste, ces confidences ne m’ont pas surprise outre mesure et je les attendais un peu. Dès le couvent, Madeleine de Guergis portait aux choses de l’amour un intérêt que l’on peut qualifier d’atavique et que le mariage n’a fait qu’augmenter. Depuis le sien, Madeleine a donc eu beaucoup d’aventures, si l’on peut qualifier ainsi des décisions amoureuses aussi promptes et aussi simples que celles qu’elle prend avec un tranquille sans-gêne et une déplorable facilité.

Madeleine de Jersainville est, en effet, une créature purement instinctive, et vous ne parviendriez pas à lui faire admettre qu’il y ait quelque mal à accorder ses faveurs à qui lui plaît. En cela, elle est de l’avis d’un certain nombre de femmes, et peut-être même de la plupart, avec cette différence que ce qu’elles pensent en secret, Madeleine l’avoue tout haut avec une parfaite candeur, la même qu’elle apporte à la pratique de sa