Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/213

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tant plus que les circonstances vont bientôt se charger de nous séparer, M. Delbray et moi. Il est question, en effet, que M. Delbray parte, au commencement de juin, pour une assez longue croisière en Méditerranée avec Mme Bruvannes et Antoine Hurtin. Les médecins recommandent vivement l’air marin pour la santé de M. Hurtin. Ils disent que la solitude dans le mouvement, la monotonie de la vie maritime achèveront sûrement de le guérir. M. Hurtin a consenti à essayer de ce remède plutôt coûteux, car Mme Bruvannes a loué pour promener son neveu un fort beau yacht. M. Delbray a accepté d’être du voyage. Dans un mois donc, M. Delbray s’en ira tout naturellement et avec lui disparaîtra le léger trouble qu’il m’a causé. À son retour, ce sera l’été, je ne serai probablement plus à Paris, car j’ai l’intention d’aller passer quelques semaines chez Mme de Glockenstein, en son château d’Heiligenstein. Ensuite, j’irai faire un petit séjour aux Guérets, chez les Jersainville. À l’automne, je reverrai M. Delbray avec plaisir et je ne vous écrirai plus à son sujet de lettre comme celle-ci, qui me semble un peu ridicule.

Ne trouvez-vous pas, mon cher Jérôme, que mes projets sont la sagesse même ? Elle m’est venue en vous écrivant. Quand je vous disais qu’il n’est rien de meilleur pour y voir clair en soi-même que de fixer ses rêveries sur le papier ! S’il m’en vient de nouvelles, je vous les enverrai, puisque vous avez bien voulu me dire que cette correspondance ne vous ennuyait pas. Quant à moi, elle m’amuse infiniment. Je la trouve assez piquante. N’est-ce pas vraiment comique qu’après avoir été mariés pendant cinq ans sans nous être beaucoup occupés l’un de l’autre, notre divorce ait créé entre nous une intimité à distance, pour le moins inattendue ? Mais pourquoi s’étonner, la vie n’est-elle pas un