Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/280

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existence strictement hygiénique. Je lui ai objecté que cette existence de cénobite, pour laquelle il n’était guère fait, lui deviendrait vite à charge et qu’il ferait bien mieux de vivre raisonnablement à Paris. À ces mots, il s’est presque mis en colère. « Décidément, je ne comprenais donc rien à son état. Je ne voyais donc pas qu’il était un homme fini, rasé, que, même s’il se rétablissait à peu près, il demeurerait une espèce d’infirme, tenu à toutes sortes de précautions. Certainement non, il ne resterait pas à Paris, sans pouvoir y plus rien faire de ce qu’il avait aimé. Paris, sans sports, sans théâtres, sans soupers, sans femmes, ah non ! par exemple ! Maintenant, tout cela lui était bien égal, mais en serait-il toujours ainsi ? Oui, pour le moment les femmes lui faisaient horreur. L’idée de toucher une peau, de tenir un corps entre ses bras lui était insupportable. »

Je l’ai écouté avec un certain plaisir. Il semblait sincère en parlant ainsi.


19 juin. En mer. — Nous avons longé la côte d’assez près. Elle est mollement et pittoresquement montagneuse et tombe presque à pic dans la mer. Çà et là, on aperçoit quelque petit port blotti à l’abri du rocher ou quelque village perché sur son flanc. Devant Amalfi, nous nous sommes arrêtés quelques heures, le temps de descendre à terre et de visiter l’antique cathédrale. À partir de Salerne,