Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/311

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bras et de poser ma bouche sur sa bouche. Mais l’amour doit savoir être humble et patient. À travers mes espérances, c’est à elle de comprendre mes désirs.

Laure m’écoutait d’un visage attentif et souriant. Pendant ce temps la tempête redoublait. L’Amphisbène, soulevé par de hautes et rudes vagues, retombait lourdement. Je m’étais tu et j’avais repris la main de Laure entre les miennes. La main de Mme de Lérins était glacée. Par la porte, une fraîcheur subite pénétrait dans la chambre des cartes. L’aube, sans doute, était proche. Laure frissonna légèrement et ramena sur ses épaules l’écharpe dénouée. D’elle-même, elle porta sa main à mes lèvres et se leva du divan :

— Je crois, mon ami, qu’il serait plus sage de regagner nos cabines. Mais, avant de descendre, allons voir ce que dit le commandant.

Elle s’appuyait à la paroi de la chambre pour résister au roulis et elle me précéda sur la passerelle. J’avais jeté sur elle un plaid oublié sur le divan et je l’en enveloppai. Une fois dehors, mes oreilles s’emplirent des bourdonnements du vent. Sa poussée nous fit chanceler. Instinctivement, Laure s’était appuyée sur moi. Ce contact me fit frémir. Enhardi par l’ombre, je passai mon bras autour de la taille de Mme de Lérins afin de la mieux soutenir. Elle me laissa faire sans se dérober. Était-elle indifférente à cette timide étreinte ? Y consentait-elle ? Je ne la desserrai que lorsque nous fûmes arrivés auprès du commandant. Le second,