Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/327

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nœud, je l’eusse voulu inextricable, plus compliqué que le labyrinthe des petites rues arabes, et j’ai repensé à ces enfants de Bonifacio, que nous avions vus, au début de notre voyage, qui jouaient à l’amour sur l’esplanade de la vieille citadelle corse. Puissent-ils avoir été un présage auquel s’ajoute celui de nos mains enchaînées !


Alger, 20 juillet. — Comme je flânais sous les arcades de la rue Bab-Azoum, je me suis heurté à un monsieur qui rôdait, le nez en l’air, et en qui j’ai reconnu avec stupeur mon ami Yves de Kérambel, oui, Yves de Kérambel en personne. Après les exclamations d’usage nous sommes allés nous asseoir dans un café de la Place du Gouvernement. Je ne sais si c’est le voyage qui l’a transformé ou l’héritage de la bonne tante Guillidic, mais je n’avais jamais vu Yves si bavard et si expansif. Tout d’abord, il m’a fallu écouter le récit circonstancié des derniers moments de Mme de Guillidic, puis la recherche, de meuble en meuble, du testament de la défunte, et la trouvaille du précieux papier par lequel Yves devenait l’unique héritier de trente mille livres de rente en obligations de chemins de fer et en actions de la banque de France, et le possesseur d’un domaine considérable situé dans les environs d’Alger. Je savais tout cela en gros par la lettre qu’Yves m’avait écrite et que j’avais reçue à Naples, mais il éprouvait un si naïf