Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/70

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ble, ce garçon était venu à Paris, où il ne connaissait âme qui vive et où il aurait bien de la peine à se tirer d’affaire ? Il ne me cacha pas qu’il avait été obligé de quitter Sienne pour des raisons de famille. Rien de mieux, mais alors pourquoi n’était-il pas allé à Florence, à Milan, à Rome ? On ne s’expatrie pas sans motif grave. Tout d’abord, Neroli me fit quelques réponses évasives et prudentes, puis, soudain, il se décida à parler.

Comme tous les Italiens, Neroli est un conteur excellent. Je me souviens encore de tout le feu et de tout l’art qu’il mit à son récit. Son histoire m’intéressa. Elle ressemblait à une nouvelle de Stendhal ou à un épisode de Casanova. Elle était, d’ailleurs, fort simple.

Il y avait, dans le quartier qu’habitait Neroli, à Sienne, une très jolie fille appelée Antonina. Le père de Nina était quincaillier. Veuf, il n’avait que cette fille qu’il adorait et qu’il avait élevée avec une insigne faiblesse, lui laissant faire toutes ses volontés et lui passant tous ses caprices. Nina était charmante, paresseuse, hautaine, et, dès quinze ans, elle manifesta une coquetterie diabolique. Malgré cela, plusieurs honnêtes Siennois, amis du quincaillier, la demandèrent en mariage. Nina les refusa. Elle n’avait aucune envie de prendre un mari. Ce qui l’amusait, c’était qu’on lui fit la cour. Elle ne se lassait pas d’être adulée. Parmi ces prétendants, Neroli eût été un de ceux que le père de Nina eût accueilli avec le plus de plaisir. Neroli se mit sur les rangs. Mais il vit bientôt qu’il n’avait