Page:Régnier - L’Illusion héroïque de Tito Bassi, 1917.djvu/22

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ne supposait pas qu’il eût pu mener d’autre existence que la sienne, et rien au monde, je le répète, ne lui semblait plus important que la confection d’une paire de souliers. Mon père, pour tout dire, n’avait aucune imagination.

Ma mère, au contraire, en avait et de toutes les sortes, et elle en faisait l’accompagnement continuel de ses travaux. L’aiguille, entre ses doigts, était une Fée et les ciseaux un Dragon docile dont les mâchoires s’ouvraient et se refermaient à son gré. Je pense bien que mon père, quand il vint demander sa main, revêtit à ses yeux la figure d’un Enchanteur, travesti sous quelque humble habit d’enchantement. Je jure qu’elle avait dû croire épouser un magicien, mais elle n’avait besoin de personne pour se créer à elle-même ses propres sortilèges. Tout en cousant sa lingerie, elle laissait sa pensée aller à mille choses diverses. Ma mère possédait le don singulier