Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/123

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imperturbable et cette continuité de fortune nous signala l’un à l’autre. On faisait cercle autour de nous, et M. d’Amercœur n’était pas moins envié que Madame de Sérences.

Une fois que je me trouvais auprès d’elle et que nous parlions de notre double bonheur dont la permanence nous étonnait, nous convînmes de confronter, adverses, nos chances, et de voir celle qui céderait. L’épreuve résolue, on en fixa le temps, le lieu et le tête-à-tête.

Ce fut par une belle nuit d’août que je m’assis en face de Madame de Sérences. Le peuple des joueurs bourdonnait de ce duel. On pariait déjà sur l’issue avant la rencontre commencée. De grandes sommes s’engagèrent. Chacun de nos gestes solitaires comportait son contrecoup et sa conséquence. De multiples intérêts dépendaient de la science de nos combinaisons et du hasard de nos atouts.

Le salon de Madame de Sérences où je me voyais seul avec elle s’ouvrait par trois fenêtres sur un beau jardin dont les parfums venaient jusqu’à nous. Les bougies brûlaient chacune son as de lumière. Madame de Sérences déposa sur la table son bouquet de roses, la plus belle