Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/166

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Les flûtes s’étaient tues à mesure qu’Hermas semblait avoir parlé et Hertulie mit en silence un doigt sur ses lèvres ; le jardin de marbre vert noircissait ; les nuées du couchant s’éteignirent ; lentement, à reculons, Hertulie s’éloigna vers le fond de la chambre, puis se retourna et disparut. Derrière elle une lourde draperie noire striée d’or retomba, remua un instant ses fronces et demeura immobile en ses plis graves et somptueusement funèbres.

Les salles par où repassait la fugitive lui paraissaient plus spacieuses ; les lustres amortis suspendaient au-dessus de sa tête le pendentif de leur silence cristallisé ; de chambre en chambre, haletante et lasse, dans une où étaient les miroirs, elle s’arrêta. Son image s’y multipliait à l’infini. Hertulie autour de soi se vit jusqu’au fond d’un songe où elle perdait le sentiment d’avoir produit tant de fantômes identiques à sa pâleur ; elle s’y sentait dispersée à jamais et, à force de se voir ainsi, ailleurs tout autour d’elle, elle s’y morcela au point que, dissoute en ses propres reflets, exorcisée d’elle-même par cette surprenante magie où elle s’imaginait indéfiniment impersonnelle, ses genoux fléchirent et