Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/176

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pas, bien que le Pêcheur fût patient et attentif à consulter le vent, la saison, la marée, avec grand soin que son ombre ne dépassât pas la barque et pas une fois il ne vit son visage dans l’eau.

Parfois, las de la station inutile, il ramait vers la haute mer. Les lames plus fortes berçaient lourdement sa mélancolie ; l’eau profonde verdissait. Du large il voyait la côte sablonneuse et l’estuaire. Le vent sifflait dans les cordages et, tout le jour, le pêcheur s’acharnait à sa tâche.

À ces journées rudes et infructueuses, il préférait la médiocrité d’une proie dérisoire, le fretin des eaux douces, le calme du fleuve, son balancement paresseux, sa fuite onctueuse et monotone où passaient, une à une, des feuilles, des pailles, une fleur.

Les oiseaux, ne le craignant point, volaient autour de lui. C’étaient des mouettes grises à envergure aventureuse. Les bergeronnettes qui sautillent sur le sable des berges lui plaisaient davantage. Avec elles sa pensée allait à de vastes terres intérieures où ne murmurent pas d’autres eaux que les sources où boivent les