Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/179

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rêvée. Les collines ondulaient lentement ; des prairies alternaient avec des champs de blé le long desquels s’alignaient des peupliers ; parfois on entendait chanter une flûte ; des linges séchaient sous les saules et, le soir, tout semblait si calme qu’on n’osait pas marcher dans l’herbe.

Le petit champ était situé au penchant d’une colline : carré, des haies l’entouraient. Hermagore le cultiva avec soin. Dans la terre profondément labourée il ensemença. Tout l’hiver il fut heureux, mais au printemps il vit que les champs voisins seraient plus fertiles que le sien. Cela eut lieu. A peine si sa récolte suffirait aux semailles prochaines. La moisson suivante s’annonça plus maigre encore : les oiseaux s’acharnèrent, et on voyait Hermagore parmi les épis clairsemés, debout, comme jadis dans sa barque plate, gesticulant et jetant des mottes de terre aux pillards.

Parfois il désertait sa garde et parcourait le pays : partout des moissons plantureuses mûrissaient et le privilège de sa misère lui parut plus amer. Des troupeaux passaient et, de loin, il les regardait comme jadis disparaître à l’hori-