Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/221

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matériaux sans en rester bossuée et difforme de la difficulté qu’elle a eue à les résorber ou à les mal couvrir de sa verdure.

L’obscurité presque complète était devenue une présence par l’aspect qu’elle avait pris de ce décombre pour me regarder de toute l’opacité de son vieux bloc de granit qui résumait en lui la ténèbre et lui donnait une forme. Il était impossible que des ombres n’errassent pas autour de ces pierres, et je ne pus me les imaginer autrement que douces, mélancoliques et nues.

 

Nues de leurs robes appendues au mur du réduit sinistre où le sang successif des cinq épouses avait rougi les dalles !... Comment eussent-elles erré autrement que nues puisque leurs belles robes avaient été la raison de leur mort et le seul trophée que voulut d’elles leur singulier mari ?

L’une n’avait-elle pas péri, la première, à cause de sa robe blanche comme la neige que foulent, de leurs sabots de cristal, sur les tapisseries des chambres, des Licornes qui marchent à travers des jardins, boivent à des vasques de jaspe, et s’agenouillent, sous des architectures, devant