Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/248

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comment elles dépérissent aux jours d’automne malgré la fausse parure de leurs ors divers et l’hypocrisie de leurs pourpres tachetées.

Le couchant est rouge à travers les arbres ; la pourriture violette du crépuscule le ronge de nues douloureuses. L’hypocondrie de l’heure est presque acariâtre.

La lampe brûle dans un angle de la vaste salle aux hautes fenêtres, et je reste le visage à la vitre terne. Je ne vois plus tomber les feuilles mais, maintenant, c’est en moi que je sens quelque chose qui se détache et s’amoncelle lentement. Il me semble que j’entends dans mon silence la chute de mes pensées. Elles tombent de très haut, une à une, en lente effeuillaison, et je les accueille de tout le passé qui est en moi. Leur chute morte et légère ne pèse plus rien de ce qu’elles voulurent vivre. L’orgueil s’effeuille et la gloire se défleurit.

Encore un jour. Voici la lampe ! J’ai regardé tomber les feuilles, une à une, et pourtant il y eut des thyrses dans les vignobles et les jardins. Les lèvres ont mordu le jus des poires. Un enfant portait en ses mains des pommes d’or, et, quand le visage se retourna, au seuil, en