Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/267

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éclosait des orfraies d’œufs qu’elle croyait de paons ou de colombes ; un poison bouillonnait où elle composait un dictame...

Mon fils, me dit Hermogène, je savais enfin l’origine et la matière de ma tristesse par tout ce que m’avait dit l’Etrangère. Il a fallu qu’elle vînt à moi pour que je prisse, à travers elle, conscience de ma misère. Elle m’avait semblé immense et confuse, je la trouvais alors démesurée mais, à la mieux voir, je reconnus l’avoir méritée.

On ne se retrouve plus quand on s’est une fois perdu et l’amour ne nous rend pas à nous-mêmes ; pourquoi n’avais-je point été de ces sages précautionneux qui, dans la ville, marchaient en portant à la main un miroir pour essayer d’être seuls en face d’eux-mêmes car il faut vivre en présence de soi.


*

Tel fut le récit de mon maître Hermogène et sa rencontre avec l’Etrangère. Il y avait pris de curieuses leçons car son esprit était raisonneur, mais il aimait à vivifier ses raisons d’allégories. Peut-être avait-il voulu me frapper davantage