Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/271

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palmes l’eau assombrie d’un bassin, une pie s’envola d’un arbre en jacassant et se posa, sautillante, sur le rebord d’un vase ; un chien enroué hurla dans le chenil. A l’intérieur, un grand meuble taciturne craqua sourdement en son ossature d’ébène et d’ivoire, et la lanière d’un fouet à manche de corne, posé en travers d’une chaise, se déroula et pendit jusqu’au parquet. Aucun souffle ne sortait de la vieille poitrine ; la tête s’inclina jusqu’aux mains jointes sur la tabatière d’écaille. Mon père était mort.

Je vécus durant tout l’hiver dans la contracture de ce deuil. Ma solitude s’ankylosa de silence et de regret. Les jours s’écoulèrent. Je les vécus dans une attention scrupuleuse à ce mélancolique souvenir. Le temps passa sans que rien pût me distraire de ma douloureuse et funèbre songerie. L’approche seule du printemps me réveilla de moi-même, et je commençai à constater les singularités qui m’environnaient et qui outrepassaient le rapport qu’on m’en fit.

Comme si la présence paternelle imposait autour de soi, par sa durée, une sorte d’atti-